L’acte du divorce en Algérie : scénographie d’une andro-autorité1

فعل الطلاق في الجزائر: سينوغرافيا سلطة انعكاس السلطة الذكورية

The act of divorce in Algeria: scenography of an andro-authority

Djamel Zenati et Abdelkarim Mahraoui

Citer cet article

Référence électronique

Djamel Zenati et Abdelkarim Mahraoui, « L’acte du divorce en Algérie : scénographie d’une andro-autorité », Aleph [En ligne], 7 (4) | 2020, mis en ligne le 06 décembre 2020, consulté le 28 mars 2024. URL : https://aleph.edinum.org/3278

Le concept de l’autorité ne se conçoit qu’en relation avec le concept de l’altérité d’un côté et celui du pouvoir de l’autre. Tout acte d’autorité prévoit par inférence, en son ouverture même, deux instances : une instance exerçante, qui agit et une instance "agie", qui le subit et qui est tenue d’obéir. Et toute soustraction à l’exercice de cette autorité est rébellion.
Poser la question de l’autorité comme acte performatif et la saisir à travers ses Deixis peut déboucher sur l’interrogation des marqueurs de son immanence en discours et révéler ainsi le mode opératoire de son fonctionnement.
En conséquence, dans la présente contribution, nous tentons de démontrer que la performativité, dans l’acte de divorce tel qu’il est porté par le code de la famille en Algérie, est sexuée id est, elle actualise une différence et induit une andro –autorité.
Nous montrerons comment la scénographie schématisée par l’article 48 du code de la famille algérien, relatif à l’acte de divorce dessine les contours d’un discours où se joue des rapports de place et de force, d’un espace discursif où seul l’acte énonciatif porté par un « je » masculin est directement autorisé. La parole « féminine », si tant est qu’elle reçoit existence, ne s’introduit que par le truchement d’une médiation. La femme est souvent un délocuté, un objet de parole sans plus. C’est l’être dont il est question, celui dont on parle. Pour quelque hideuse que soit cette loi, elle sera ici examinée avec un œil de linguiste même si par endroits, des intrusions somme toute humanistes de notre subjectivité se laissent entrevoir.

لا يمكن فهم مفهوم السلطوية إلا فيما يتعلق بمفهوم الآخر من جهة ومفهوم فاعلية أداء السلطة من جهة أخرى. أي ان فاعلية اداء السلطة من خلال ما يدل عنها، من البداية هي أداء فعال، يعمل في وجود "متصرف" يؤديها وخاضع عليه الالتزام والامتثال لها وكل امتعاض لعدم الخضوع لها هو تمرد.

إن طرح مسألة السلطة كفعل كلامي يتجسد في الخطاب وإدراكها من خلال ما يمكن أن يؤدي داخل بنية الخطاب يقودنا الى طرح ان ثمت في الخطاب علامات يكشف عنها بفهم البنية التلفظية للخطاب. في هذه المساهمة، نحاول اثبات أن أداء افعال الكلام من خلال حادثة الطلاق في قانون الأسرة في الجزائر مجنسة بمعنى انها تختلف باختلاف الجنس الذي يأخذ على عاتقه مسؤولية الكلام. يتضح ان السلطة من خلال ما يؤديها بالمعنى التلفظي هي خاصية للجنس الذوكوري.

سوف نبين كيف ترسم السينوغرافيا المخططة بالمادة 48 من قانون الأسرة الجزائري، المتعلقة بفصل الطلاق، ملامح خطاب تضبطها علاقات صراع قوة ووظا ئف حيث يُصرح مباشرة الفعل الكلامي الذي ينطق به "أنا" المذكر حامل لوحده سلطة التنفيذ اما "أنا" المؤنث، إن وجد، لا يتم تقديمه إلا من خلال الوساطة. غالباً ما تكون المرأة مندوبة، وموضوع خطاب بدون المزيد. هذا هو السؤال الذي نتحدث عنه. مهما كان هذا القانون قبيحًا، فسيتم فحصه هنا بأعين لغوي حتى لو كان في بعض الأماكن يمكن أن يبدي انحياز ذاتي لإنسانياتنا

The concept of authority can only be understood in relation to the concept of otherness on the one hand and that of power on the other. Any act of authority provides by inference, in its very opening, for two instances: an exercising instance, which acts, and an "acting" instance, which undergoes it and is bound to obey. And any subtraction from the exercise of this authority is rebellion.

Consequently, in the present contribution, we try to demonstrate that performativity, in the act of divorce as carried by the family code in Algeria, is gendered id est, it actualises a difference and induces an andro -authority.

We will show how the scenography schematised by article 48 of the Algerian family code, relating to the act of divorce, draws the contours of a discourse in which relationships of place and force are played out, a discursive space in which only the enunciative act carried by a male ’I’ is directly authorised. The "feminine" word, if at all it is given existence, is only introduced through mediation. The woman is often a dislocated person, an object of speech without more. It is the being we are talking about, the one we are talking about. For however hideous this law may be, it will be examined here with the eye of a linguist, even if, in places, humanistic intrusions of our subjectivity can be glimpsed.

Prolégomènes

D’emblée et à brûle-pourpoint, posons qu’il n’y a d’autorité qu’impliquée dans et par le langage. C’est dans cette perspective que notre contribution examinera la question que pose la guerre des sexes dans un discours juridique particulier, l’acte de divorce, à travers lequel transpirent des discours sociaux hétérogènes.

L’objectif de notre communication est donc de montrer comment l’autorité, dans l’acte de divorce, est un acte linguistique impliqué dans le langage et qui ne s’exerce que par son truchement.

Nous pouvons oser sans risque d’être accusé d’un paradoxe la formule suivante : l’autorité est langage et sa définition dans l’acte de divorce ne peut être élaborée isolément de l’analyse des marqueurs linguistiques et pragmatiques.

L’observation du matériau langagier dans le corpora de notre étude actualise une différence sexuelle fondée non pas sur des critères biologiques, mais sur des critères énonciatifs et pragmatiques. Cette différenciation, disons-le par anticipation, induit une androautorité2.

La loi distribue des rôles différents aux deux entités différemment sexuées. Elle leur assène dans la scène linguistique du divorce des discours différents involuant en leur sein les stigmates du rôle attribué révélé en surface par des marques linguistiques qui sont donc ici sexuées id est.

La loi fournit donc au linguiste un expédient pour redéfinir de son propre lieu, en termes énonciatifs et pragmatiques, les catégories sexuelles.

La réflexion que nous soumettons à votre entendement s’assimile à une lecture exégétique d’un texte et considère l’acte de divorce non pas comme un événement sociologique ou juridique, mais comme un événement discursif à proprement parler.

Examinons à présent que le cadre de l’analyse est posé l’article juridique N° 48 qui décrit les modalités de dissolution du mariage, dans le code de la famille algérienne.

« Art. 48. (Ordonnance n° 05-02 du 27 février 2005) Le divorce est la dissolution du mariage sous réserve de l’article 49, ci-dessous. Il intervient par la volonté de l’époux, par consentement mutuel des deux époux, ou à la demande de l’épouse dans la limite des cas prévus aux articles 53 et 54 de la présente loi. »
Art. 53. Il est permis à l’épouse de demander le divorce3 pour les causes ci-après…
Art. 53 bis. Le juge qui prononce le divorce à la demande de l’épouse peut lui accorder des réparations pour le préjudice qu’elle a subi.
Art. 54. (Ordonnance n° 05-02 du 27 février 2005) L’épouse peut se séparer de son conjoint sans l’accord de ce dernier moyennant une somme à titre de (khol’a).

Sur le plan pragmatique et énonciatif, l’acte juridique manifesté dans l’article 48, édicté par le législateur algérien, se présente comme :

  • une assertion, qui campe le cadre légal dans lequel peut s’inscrire l’acte de divorce et qui, en délimitant les contours d’une possible scène composée d’énonciateurs réunis pour un objectif donné, le borne dans un discours descriptif ;

  • et un acte performatif dans la mesure où il prescrit aux énonciateurs réunis des modalités de conduite dans cette même scène.

De ce monde possible, l’article 48 interpelle les protagonistes et les fonde en sujets et par voie de conséquence, il fait autorité et les contraint à s’y conformer.

Notons que le cœur de notre contribution s’articule non pas sur ce point, pourtant nodal, de l’autorité, mais sur son rapport avec le discours qui l’actualise dans une interlocution où les protagonistes peuvent, par le truchement de la langue, exercer un pouvoir les uns sur les autres.

Que faire, à travers cet article du code de la famille algérienne, pour inscrire notre problématique dans une interlocution ?

Dans son exégèse, du point de vue de l’époux, la jurisprudence juridique l’interprète comme

« La dissolution du mariage peut résulter de deux situations. D’abord, elle peut intervenir par la volonté de l’époux lui-même qui mettra fin au lien conjugal, de façon unilatérale […] La dissolution du mariage par la volonté unilatérale du mari s’identifie en réalité à la répudiation » (Benmelha1993 : 146). Pour l’épouse, il est notifié qu’elle, aussi, peut poursuivre la dissolution du mariage en manifestant sa volonté de sortir de l’union conjugale. […] [Elle] peut demander la dissolution du lien matrimonial lorsque l’époux méconnaît délibérément les obligations mises à sa charge par le mariage. » (Benmelha 1993 : 146).

Cette interprétation de l’article pose, en son fondement, les sources de droit en relation avec la chariâ qui regroupe tout à la fois le Coran et la Souna, le droit musulman et le droit positif.

Mais là encore, au risque de décevoir, il ne s’agit nullement du propos qui sera le nôtre. Ce qui vient d’être dit n’est que l’à-propos qui servira de socle à la conversion d’une problématique juridique en une problématique linguistique qui pensera le divorce dans un cadre théorique propre.

1. Du juridique au linguistique : le divorce, une affaire de langage

L’article juridique en question pose les prémisses d’une inférence linguistique4, d’une scène énonciative qui s’accompagne d’inférences d’acte de langage. Nous considérons cette scène du divorce justiciable d’une analyse pragmatique et énonciative. Elle rassemble tous les ingrédients nécessaires pour qu’elle soit pensée en termes de discursivité comme une mise en acte du langage. Du point de vue pragmatique, elle est un ensemble d’actes de langage, embrassé par un cadre institutionnel et juridique, inscrit dans les pratiques discursives d’une communauté. D’un point de vue énonciatif, la scène met en action des jeux énonciatifs réglés, et régulés par l’institution, entre les différentes instances énonciatrices. Qu’on soit d’accord, l’acte de divorce avant qu’il soit un acte juridique qui atteste la fin de l’union matrimoniale est d’abord un acte de parole : deux époux échangent, dans l’intention de mettre fin à leur situation matrimoniale. Nous voilà face à une banalité. Mais une banalité fortement ritualisée qui exige en son déroulement des énoncés requérant une certaine validité5. La scène générique donnée à voir par l’article est le lieu où se déploie une parole intégrée dans une scène englobante qui la régule et lui confère un statut juridique lui garantissant sa normativité. Le texte normatif parraine en quelque sorte cette scène et lui confère une valeur pragmatique la différenciant d’autres scènes (scène de litige, scène de discussion ordinaire…).

1.1. L’analyse pragmatique des énoncés

La pragmatique soutient que l’une des fonctions du langage est de réaliser des actions. Parler c’est bien sûr transmettre des informations à un interlocuteur pour lui communiquer quelque chose, mais c’est aussi agir sur lui, et sur le monde. Son intérêt porté au langage naturel a permis de comprendre le fonctionnement intersubjectif, situationnel et contextuel de la communication.

Nous supposons que la différence de la réalisation de l’acte de parole entre les deux sexes dans la situation du divorce en Algérie confère l’autorité à un sexe au détriment de l’autre. Cette autorité est immanente aux formes linguistiques (syntaxique, sémantique et pragmatique) qui accompagnent l’acte de langage. Notre démonstration, dans cette section6, se fonde essentiellement sur le fait que la parole ne se réduit pas à la signification descriptive, mais constitue aussi et surtout une action, une façon d’agir sur le monde.

1.1.1. Structures syntaxiques des actes illocutoires

Disant que les actes de langage que nous passerons en revue sont institués7 ou conventionnels. Ils sont réglés et régulés par l’institution juridique. C’est seulement cette dernière qui garantit leur validité. La vulgate pragmatique admet qu’un acte illocutionnaire se décompose en une certaine « force » et en un certain « contenu propositionnel ». L’acte illocutionnaire peut être représenté ou formalisé de cette façon (Searle. 1976 : 2) :

F(p) = valeur illocutoire + contenu propositionnel

Entrons dans le vif du sujet et examinons, à la lumière de cette forme canonique de l’acte du langage, l’énoncé possible que prononce l’homme pour répudier son épouse. Puis voyons ensuite comment l’épouse procède-t-elle afin d’obtenir un divorce.

  1. L’homme énonciateur 
    L’acte consistant à répudier l’épouse est ritualisé dans une formule du divorce. Il suffit à l’époux d’énoncer à son épouse « je te répudie » pour qu’elle passe au statut de « répudiée ». Certes, il existe d’autres énoncés pour "répudier" l’épouse, comme par exemple : "je te libère", "tu es libérée", "tu es l’objet de la répudiation", "tu es divorcée". Ces formules, expriment toutes l’intention de l’époux de répudier son épouse : elles sont des paraphrases, glosant l’énoncé parangon « je te répudie ». Nous considérons cette formule dans notre analyse en ce qu’elle répond pragmatiquement à la formule canonique de l’acte de langage ; elle satisfait au critère de la suffisance sur le plan linguistique. Juridiquement, l’acte de langage « je te répudie » est la formule reconnue socialement comme sentence de divorce. C’est à elle que l’institution réduit toutes les intentions du divorce8.

  2. La femme énonciatrice 
    Comme il est stipulé dans l’article N° 48, l’intention du divorce, quand elle émane de l’épouse, doit faire l’objet d’une demande. Elle formule un acte de demande, in verba ou in scripta d’abord auprès de son conjoint, puis officiellement auprès de l’instance juridique. Deux cas de figure peuvent survenir. Dans le premier, l’époux accorde directement le divorce et prononce la formule rituelle « je te répudie ». Dans le second cas, la « demandeuse » reçoit une fin de non-recevoir et si elle demeure convaincue du bien-fondé de sa démarche, elle introduit un recours devant une instance juridique sous forme d’une requête orale ou écrite.

Dans tous les cas de figure, son acte de langage se restreint en une demande introduite par un verbe exprimant une sollicitation.

  • Je vous demande de m’accorder le divorce.

  • Je vous demande d’accepter de m’accorder le divorce.

  • Je sollicite que vous acceptiez ma demande de divorce.

  • Je désire par cette demande que vous me libériez des liens matrimoniaux.

Il est clair que ces actes hypothétiques répondent tous à la forme canonique de l’acte de langage. Un préfixe performatif, une valeur ou une force, la demande et un contenu propositionnel qui véhicule ce qui est demandé, à savoir ici le divorce.

Le divorce donc, comme cessation de l’union matrimoniale, s’exprime par des actes de langage portés par une structure rigoureusement asymétrique : l’homme dispose là où la femme propose.

Si on respecte la forme canonique proposée par Searle de l’acte illocutoire qui postule que tout acte s’analyse en ses deux entités dont dépend l’interprétation, les deux actes de langage, soit celui de l’homme ou celui émis par la femme, se réduisent à une force illocutionnaire (un certain mode de communiquer un certain contenu) et un contenu propositionnel (contenu descriptif de la proposition, la proposition et l’état du monde objectif véhiculé par le propos).

Force est de constater que cette structure, mise à l’épreuve de nos énoncés, s’inverse.

Dans l’énonciation de l’homme, le contenu illocutionnaire est intégré dans la force illocutionnaire9 . On peut dire que l’acte de répudier est un acte illocutoire direct, un performatif mono propositionnel dont la force illocutionnaire est jumelée à son contenu propositionnel. Sa force illocutionnaire est conforme à son contenu propositionnel (Searle. 1976 : 13). Il est aussi unidirectionnel, il n’est pas en attente d’une réponse et s’exécute sine die par l’épouse qui se plie impérativement à l’exercice de ce qu’implique sa force illocutionnaire : « je déclare que vous n’êtes plus mon épouse ». L’acte de parole masculin modifie sur-le-champ la relation de locuteur masculin à l’interlocuteur féminin. En déclarant à son interlocutrice (son épouse), « je te répudie », l’époux répudie effectivement son épouse. Il y a une congruence entre la force et le contenu.

Dans le cas où c’est la femme qui demande le divorce, son acte s’analyse parfaitement dans la forme canonique de Searle : « Je demande » (la force), à laquelle est enchâssée une proposition, un contenu propositionnel, c’est-à-dire ce qui est demandé, l’objet de la demande, qui est « si vous m’accordez le divorce »). L’énoncé ainsi glosé montre bien que la femme peut exercer son droit à formuler une demande tout comme elle peut exiger que sa demande soit examinée. Mais sans plus : elle ne change en rien le statut de son interlocuteur, qui demeure son époux jusqu’à ce qu’il tranche, ou qu’une juridiction tierce décide le contraire.

Dans les énoncés de l’épouse, contrairement à ceux tenus par l’époux, la force illocutionnaire n’est pas conforme au contenu propositionnel. La force illocutoire est la demande ; l’acte est exhortatif (une sollicitation), le contenu propositionnel est descriptif (obtenir le divorce). L’acte de langage de la femme est d’abord bi-propositionnel, ensuite interactionnel, c’est-à-dire dès qu’il est reconnu par l’interlocuteur qui doit le satisfaire en lui réservant une réponse dans un contenu propositionnel qui demeure virtuellement ouvert. Son accomplissement ne ressortit pas à la volonté de la femme qui demande, mais relève de la position de l’homme qui dispose et de l’autorité de l’instance juridique.

L’acte de la demande, contrairement à l’acte exercitif de la répudiation, ne jouit pas d’une autodéification immédiate, son auto-vérification est différée comme elle est déférée. Cette auto-vérification est inscrite dans un monde possible, elle peut être heureuse (elle réussit) ou malheureuse (elle échoue).

L’énoncé tel qu’il est réalisé dans ses propriétés syntaxiques exhibe une autorité qui relève de la seule sphère du masculin. De même, la syntaxe de l’énoncé masculin révèle une autorité, celle de l’énoncé féminin la montre différée. Là réside le premier marqueur de la différentiation asymétrique. L’époux annonce en énonçant ; l’épouse demande et attend réponse.

1.1.2. Types des actes illocutoires 

Nous avons posé dans ce qui précède que la structure syntaxique de l’énoncé de l’époux, comparée à la structure de l’énoncé de l’épouse, véhicule un acte d’autorité. Dans cette autre partie sera examiné ce qui distingue chaque énoncé au niveau pragmatique10 en se préoccupant tout à la fois de la finalité des énoncés que des relations qu’entretiennent les interlocuteurs au monde.

Alors quels sont, dans l’énonciation de chacun des deux protagonistes, les critères pragmatiques permettant de distinguer leurs actes respectifs ? Et comment ces marqueurs (critères) pragmatiques fonctionnent-ils pour laisser transparaître l’autorité dans l’énoncé de l’époux ?

La théorie raffinée et affinée de Searle distingue trois critères légitimes pour définir et répertorier les actes du langage, ou devant servir à la classification des grands types d’actes illocutoire11. Nos deux actes à analyser appartiennent à deux catégories différentes. Par leurs énonciations, le locuteur masculin ou féminin entend transformer, ou informer la réalité : mettre fin au mariage, changer son statut institutionnel et par ricochet, le statut institutionnel de son interlocuteur…

Dans la théorie de Searle, trois critères, parmi douze, permettent de distinguer une catégorie d’acte de langage d’une autre : le but illocutoire, la direction d’ajustement des mots au monde et l’état psychologique exprimé par l’énonciateur dans son acte.

Le tableau suivant, résumera l’acte de répudiation et l’acte de « demande » et permettra de distinguer le ou les critère (s) qui fait/font diverger l’acte de la répudiation de l’acte de demande de la répudiation ?

Critères

Le but

Direction d’ajustement

État psychologique

Sexes

L’homme

Répudier
(Attribuer à son interlocuteur le statut de divorcée).

Le monde aux mots.

La volonté
Le pouvoir

La femme

Obtenir le divorce, Être divorcée
Solliciter le juge pour obtenir le divorce, l’amener à le lui accorder

À la fois, le monde aux mots, les mots au monde.

La volonté

Le souhait

Ce qui vient d’être posé induit clairement que l’acte de répudiation est déclaratif alors que la demande de l’épouse relève des actes directifs.

Et un examen même superficiel du tableau ci-dessus montre que le déclaratif et le directif, dans l’acte de divorce, partagent le premier et le troisième critère, mais divergent au regard du second. La direction des ajustements est asymétrique. Éprouvant le même but, le déclaratif est congruent au moment où le directif est différé.

Le désir des énonciateurs (l’homme ou la femme) en situation de divorce est d’exprimer leur intention et le divorce se réalise en vertu de l’énonciation qui exprime cette même intention. Mais l’état de choses, le divorce tel qu’il est exprimé par les mots, porté par/dans le contenu propositionnel de l’énoncé (le monde signifié, donné, désiré…), peut être traduit, dans un sens littéral comme volonté de transformer/ou informer le monde par les mots.

La direction d’ajustement, comme adaptation des mots au monde ou l’inverse, se décline :

  • Premièrement dans l’acte déclaratif de l’époux en changement du monde en le disant ; « que le divorce soit, et le divorce fut ». L’homme tel Dieu transforme le monde par la parole qui trouve le lieu de son accomplissement dans son énonciation même.

  • Deuxièmement, dans l’acte directif, celui de l’épouse, la demande de divorce réalise autrement l’état de monde représenté par les mots. Dans la demande, la direction d’ajustement est factitive. Elle se résume en une intention de factus ou encore en une intention de faire faire quelque chose à quelqu’un qui demeure libre de sa réponse conformément au postulat de Searle pour qui les actes du langage directifs ont le pouvoir de modifier la réalité pour l’amener à se conformer à ce que dit l’énonciateur. La femme donc a le pouvoir d’introduire une demande auprès d’un interlocuteur autorisé à l’examiner avec bienveillance si tel est son souhait. Une demande n’a pas la capacité de changer le cours et l’état des choses ; elle est en attente d’une réponse.

L’acte de parole féminin accomplit l’introduction d’une demande de divorce, mais ne le réalise pas comme fait de démariage, c’est-à-dire il ne change pas l’état des choses, il n’instaure pas, il n’institue pas un nouveau statut aux interlocuteurs.

L’acte illocutoire installe bien la recherche du divorce comme but. Mais la forme grammaticale implique nécessairement la médiation d’un tiers, l’époux et/ou le juge pour sa réalisation.

Et même si l’ajustement se présente en apparence comme orienté vers la même direction, le temps opératoire pour la réalisation de l’acte diverge. La parole masculine transforme le monde dans l’immédiateté de sa production alors que la parole de la femme, elle, est suspendue et renvoyée sine die.

La parole masculine, en d’autres mots, anéantit dans l’instant même de son énonciation le statut de l’épouse et ses effets perlocutoires sont immédiats ; alors que ne surgit dans la parole de la femme qu’un contenu propositionnel dont la réalisation est à advenir : adviendra ce que l’homme ou le juge voudra.

Il apparaît donc bien clairement que l’acte de parole féminin est un directif à travers lequel elle essaie d’obtenir (de faire faire) quelque chose à l’époux par l’entremise d’une autorité venue d’ailleurs capable de prononcer son divorce. En revanche celui de l’homme est un acte déclaratif ; il provoque en son énonciation12 par son autorité directement un changement dans le monde (Kerbrat-Orecchioni. 2005 : 20). Dans l’acte de divorce, l’autorité du "mâle" vient de sa capacité à créer le monde ; l’autorité est absente dans l’acte de la femme, parce que ce dernier nous dit seulement comment probablement serait le monde : il l’involue comme une virtualité ouverte et non comme une possibilité opérante.

1.1.3. La Sexuation de la performativité

La notion de la réalisation de ce qui est porté dans le contenu propositionnel, nous conduit à parler de l’efficacité de la parole et à assigner à la production langagière une dimension téléologique.

Considérer un énoncé linguistique comme un acte revient à lui donner une fin. C’est que le langage dans sa production peut avoir des conséquences et engendrer des « effets » au sens commun du terme. En sens général, on appelle, ce qu’on réalise en disant quelque chose : la performativité. La performativité de la parole est le pouvoir qu’ont les mots à faire des choses. Il faut voir en cela l’énoncé comme action dans le sens où sa réussite correspondra à la réalisation d’une action (l’acte de dire est bien un acte de faire : un faire linguistique). L’énoncé performatif, s’il produit un certain effet, son actualisation transforme le monde, la situation interlocutive. Dans son acception générale, la performativité est synonyme de la notion d’action, ou de l’agir. Si les actes de langage produits dans la situation de la scène de divorce sont des actes, ceci implique que leur production aura comme effet de changer ce qu’est un sexe pour un autre dans le mariage.

Dans How to do things with words, Austin, en s’interrogeant sur la façon dont on peut agir avec les mots, distingue deux acceptions de la notion de « performatif » :

  1. La notion de la performativité s’oppose à la notion de la description : un énoncé performatif (n’est pas constatif). Il ne sert pas à décrire une réalité, mais il sert à accomplir un acte illocutionnaire. Dans cette acception, la notion de performatif conteste la réduction de la fonction du langage à la fonction cognitive (représentationnelle) ou ce qu’il appelle « l’illusion descriptiviste ». Par-là, il établit une première distinction entre un « énoncé performatif » et un « énoncé constatif ». Ceci est le versant qui se rapporte à l’acte de parole, à la force illocutionnaire. En suivant Austin, des linguistes ont introduit des critères grammaticaux puis pragmatiques pour distinguer un verbe performatif d’un verbe constatif : « un verbe performatif se réalise à la première personne, au singulier, au présent de l’indicatif à la voix active » (Vendler. 1970 : 76). On ajoute souvent à cet argument syntaxique que le verbe performatif quand il est utilisé réalise l’acte qu’il nomme (J. R. Searle, J.-R. 1989 : 527)13, ou encore "la particularité des verbes performatifs est que, en les employant à la première personne, j’accomplis l’acte qu’ils dénotent : dire « je jure » c’est jurer, alors que dire « je crois », ce n’est pas croire. (E. Benveniste : 1958 : 267). Le performatif, en un mot, est sui référentiel / auto référentiel : dire je demande, c’est « demander », dire je déclare c’est déjà « déclarer ».

  2. Un énoncé performatif se concrétise en effet réel / prétendu par la réalisation / la modification (d’un certain type qui est bien, on le verra, une modification spécifique du monde) de l’état de choses qu’il représente.

« Where the illocutionary point of the speech act is to change the world in such a way that the propositional content matches the world, because the world has been changed to match the propositional content. In a declaration of the form F(p) the successful performance of the speech act changes the world to make it the case that p. » (Searle. 1989 : 541).

Ceci est le deuxième versant qui se rapporte à l’acte/au fait/à l’effet extralinguistique. Dans ce cas on parle de la sanction sociale de l’acte ou l’acte socialement “sanctionné”. (Recanati. 1981 : 193)

Compte tenu de ce que nous venons d’avancer, nous distinguons dans l’acte de langage une performativité de la force illocutoire et une performativité de contenu propositionnel. La première peut être définie par des critères grammaticaux et contextuels ; la seconde se traduit par la sanction de l’état de choses en fait effectif. La performativité du contenu propositionnel est fondée sur celle de l’accomplissement de l’état de choses. La performativité de l’acte de divorce est la survenue, de fait, du démariage. Ce dernier fait, en termes pragmatiques, est réductible au pouvoir du performatif. Les deux actes, celui de la répudiation et celui de la demande sont des actes performatifs. Ils visent au moins la réalisation de ce qu’ils disent : en premier lieu la force illocutoire qu’ils expriment puis l’état de choses représenté introduit ou porté par cette force à savoir le divorce, la répudiation, ou la mise à terme de la relation matrimoniale14.

Pour l’homme, l’accomplissement de l’acte de parole est la réalisation de cet acte extralinguistique, c’est-à-dire que l’état de choses [le divorce, la répudiation] de son acte de répudiation est rendu vrai par le fait qu’il le dit. En vertu de son énonciation, l’homme réalise effectivement l’état de choses de son acte de parole. Le mâle réussit à accomplir un acte de parole et à le sanctionner par le fait correspondant. L’homme répudie en répudiant. Alors que du côté féminin, l’accomplissement d’acte de parole ne s’accompagne pas d’une traduction effective d’un acte extralinguistique : la réalisation de l’état de choses [le divorce] dépend d’un autre contexte et d’autres conditions. Si la femme réussit à prendre la parole, elle ne peut pas sanctionner sa parole par le fait. Elle accomplit son acte de parole en tant qu’acte de parole : quand la femme demande, c’est qu’elle demande effectivement, mais en disant “je demande”, son acte de demande ne se réduit pas, en situation de divorce au fait simple de dire que “je demande”, elle le transcende “l’excède” en cherchant à obtenir ce qu’elle demande : la réalité objective portée dans sa proposition, le fait d’obtenir le divorce. En ce sens, la femme réalise un acte performatif, en demandant, elle demande effectivement, mais le fait extralinguistique, l’objet de sa demande, n’atteint pas sa performativité par le simple fait de sa demande. La performativité dans l’acte de parole de la femme est partagée entre deux volets. Un premier volet qui est effectivement performatif, en demandant, la femme demande effectivement ; un deuxième volet, obtenir l’objet de la demande, le divorce. Il n’est pas « performativement » réalisable, il n’y a pas modification de l’état du monde, sa performativité reste relative, elle est plutôt en suspens.

La performativité masculine, accomplit outre l’acte “de dire quelque chose” [répudier], la réalisation effective de dire de l’état des choses représenté [la répudiation]. La performativité de la parole féminine se cantonne à la réalisation de l’acte “de dire quelque chose” [l’introduction de la demande], et n’implique pas un changement d’état de choses. Elle introduit un contenu propositionnel plein pour un monde vide. En somme, la femme manifeste et effectue sa demande auprès d’une autorité reconnue [cadi, juge, magistrat, avocat, mari]. Son acte de parole n’est pas fondé en autorité : il est autorisé [par la convention institutionnelle] à quérir le consentement du tiers.

Si tous les énoncés sont performatifs, y compris les assertions, donc tout énoncé réalise ce qu’il dit et compte tenu de ce qui a été développé plus haut, il est constaté une inégalité d’accès à l’efficacité performative entre les deux sexes. La performativité est inhérente à la notion de l’efficacité de la parole.

Mais pourquoi est-ce ainsi ? Comment se calcule la performativité efficace d’un acte par rapport à un autre acte ? À quel étalon la soumet-on pour mesurer son efficacité ? Autrement dit, pourquoi certains actes ont-ils le dessein de réussir, réussissent plus au moins et d’autres échouent et n’aboutissent pas ? Pour les deux énoncés que nous analysons, quelles conditions président à leur genèse, pour que l’un ou l’autre soit accompli effectivement ou sanctionné socialement (institutionnellement juridiquement) par l’acte de divorce ?

La vulgate pragmatique (Austin, Searle, Recanati) souligne qu’il existe dans son étude des diverses conditions pour calculer l’efficacité des actes de langage. Nous résumons ces conditions qui doivent être remplies pour qu’un énoncé performatif réussisse et soit sanctionné socialement, dans quatre points. Nous les empruntons essentiellement aux travaux de Recanati : d’abord, les conditions du contenu propositionnel se rapportent au temps de la réalisation de l’état de choses porté dans le contenu propositionnel ; le temps nécessaire pour que la parole opère une transformation juridique du réel ; ensuite, les conditions de félicité sont les conditions portant la sanction sociale de l’acte de parole et enfin, l’autovérification de l’acte de parole, c’est-à-dire, la sanction effective de l’acte de parole par l’acte extralinguistique exprimé dans le contenu propositionnel.

Les conditions

Conditions de Contenu « P »

Conditions préliminaires

Conditions de sincérité

Conditions essentielles

Acte socialement sanctionné

Conditions de félicité

Condition du succès

Effet de l’auto-vérification

Actes réalisés par les deux sexes

L’homme
Je te répudie

Fait immédiat pour H et F H Répudie

H à l’autorité

Il est certain pour H de répudier

H anéantit le statut de F

H répudie F, ou F est répudié
« Divorce »

F est répudié par H

« Divorce »

F est répudié par H
« Divorce »

F est répudié par H
« Divorce »

La femme
Je vous demande de m’accorder le divorce
Je désire que vous m’accordiez le divorce
Je vous sollicite que vous m’accordiez le divorce

Acte futur de J pour la F « ép. »

Le J/ H « ép. » à la faculté et l’autorité de faire « p »

La F « ép. » désire que le J / H « ép. » lui accorde le divorce

La F essaie d’amener H/J à effectuer « p »

±

±

±

±

1.2. L’analyse énonciative des énoncés

Envisager un deuxième niveau d’analyse sur le plan de l’énonciation, c’est observer une autre fois l’acte de divorce dans son rapport à l’autorité sous un autre aspect plus expansif de la linguistique. Complémentaire à la précédente, l’analyse énonciative se centre sur d’autres catégories pour comprendre ce qui fait être le sens. Comme acte d’actualisation de la langue, en rapport avec un ensemble de signes indiciels, l’énonciation est la « machine de production » qui rend l’énoncé possible. Les indiciels permettent la conversion de la phrase en énoncé. Par les signes indiciels, nous faisons référence à un système de repérage référentiel articulé autour de la personne énonciative « je ». En plus de cette personne, il y a le temps et le lieu de l’énonciation. Ce repérage est à la fois actanciel et spatio-temporel. Les repérages déictiques assurent donc ce système de repérage et rendent possible la conversion de toute phrase en un énoncé. L’énoncé quelque qu’il soit se rattache aux actants de l’énonciation, à un espace dans un endroit où cette énonciation à lieu, et à un temps15.

Si la première partie de notre analyse s’attachait au degré d’efficacité des modalités énonciatives. Dans cette partie nous allons voir comme l’autorité se manifeste aussi et d’une façon inégale dans les énoncés de chaque sexe, au travers les catégories énonciatives. La grammaire de l’énonciation des énoncés de chaque sexe renferme des dissemblances par lesquelles transparaît une autre fois l’autorité de la parole masculine. Voyant donc, la grammaire énonciative de chacune des énonciations dans l’acte de divorce.

Pour comprendre la présentation qui va suivre, il nous semble être utile d’introduire cette partie primo par une précision de quelques concepts. Secundo de faire précéder notre explication par deux schémas.

  • L’énonciation comme procès qui donne existence à l’énoncé, grâce à une deixis. La deixis est un système de repérage référentiel qui convertit la phrase à l’énoncé. Ce système s’articule autour de « je », le lieu et le temps de l’énonciation. L’énoncé est une phrase dont la signification est affectée par son contexte de production pour qu’elle soit sens. Dès lors nous pouvons dire que l’énoncé est le produit de l’énonciation, l’acte individuel d’utilisation de la langue

  • Les deux schémas ci-après présentent la deixis de la scène du divorce, et dans la répudiation et dans la demande du divorce.

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Schémas 01 : Deixis dans la scène de répudiation

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Schémas 02 : Deixis de la scène de la demande du divorce

Le divorce est un évènement. Comme on l’a déjà signalé au début de cet article, il est un acte de parole avant d’être un acte juridique. La scène d’énonciation qui l’actualise, au plan discursif peut être décrite comme une scène inscrite dans un lieu, dans un temps donné mettant en échange de parole des acteurs, selon des rituels établis. Chaque actant, en réalisant son acte rituel, bien sûr essaie d’une manière ou d’une autre d’agir sur son interlocuteur en changeant en même temps, grâce à la force des mots son statut. Sur plan, nous avons vu dans la partie précédente que seule la parole de l’époux est autorisée et autoritaire en démontrant la performativité efficace de son verbe. Si toute analyse de l’énonciation met au centre de son étude le temps, le lieu et les actants, en quoi ces dernières catégories peuvent-elles à leur tour manifester l’autorité de l’époux ?

Examinons les repères de chaque énoncé en les comparant pour chaque scène de divorce :

1.2.1. Les actants 

Toute deixis en énonciation s’organise autour du sujet parlant, le locuteur. Soit au plan grammatical ou énonciatif l’énoncé de l’homme présente une unicité du sujet. L’homme est sujet de son énoncé, sujet de son énonciation directe, sujet de la scène du divorce, dans le sens où il est démiurge de cette scène. A contrario l’énoncé de la femme présente une asymétrie de sujet grammatical : l’énoncé de demande de divorce comporte deux sujets grammaticaux différents, l’un sujet de la proposition principale, la demande et l’autre est sujet de la subordonnée (contenu prépositionnel). La femme est sujet de l’énoncé de la demande, sujet de son énonciation, mais elle ne peut l’être dans la scène de la décision du divorce ; elle sujette à un autre énonciateur, son époux ou l’instance juridique représentée par le juge.

Dans l’acte de la répudiation le tu de la femme est soumis au « je » de l’homme, et on ne peut pas dire de même que dans l’acte de la demande. La relation entre les actants est toujours une relation de prise de pouvoir et de soumission. Même dans la demande, est demandeur celui qui est dans le besoin ; celui qui est dans la place inférieure. Les pronoms grammaticaux, et les personnes énonciatives permettent une lecture de l’autorité dans le dire des actants. Le dire de l’époux montre son autorité, alors que le dire de la femme fait voir une subordination à cette autorité.

1.2.2. Les repères spatio-temporels

On ne peut dissocier la notion de l’espace et du temps. Le « ici » qui est indissociable du « maintenant » désigne l’univers où se trouve l’énonciateur.

Faut-il rappeler que la scène du divorce de la femme se déroule en deux instants différents : (T1 et T2), et en conséquence en deux lieux différents. Or le divorce dans la scène de la répudiation, pour l’homme, se passe dans un hic et nunc. La représentation du temps telle qu’elle est donnée dans les deux énonciations est différente.

Au plan grammatical, le verbe dans l’énoncé de l’époux est au présent de l’indicatif, à valeur déictique (présent de l’énonciation). Le présent de l’énonciation dans l’énoncé de la répudiation de l’homme met fin à un passé, ce présent du divorce rend les choses/ la relation matrimoniale comme rien n’a été entre les deux époux, il ouvre un futur au chacun vivra en indépendance de l’autre. Il réfère à la situation de l’énonciation, à un temps à contemporanéité absolue. Le divorce a lieu exactement au moment où est prononcé l’énoncé performatif. Le temps « To » de l’adverbe maintenant clos un passé, et ouvre à « T1 » le commencement d’un autre évènement entre les deux sexes.

Le présent déictique, repéré au maintenant de l’énonciation marque une coupure dans l’organisation temporel, dans le temps qui enveloppe la relation entre les deux sexes. Jusqu’au moment de l’énoncé, les deux sexes sont l’un pour l’autre époux, mais un saut/ une coupure à marquer après profération de cette formule de répudiation, dans le temps. Le mariage devient passé, le divorce est présent, le démariage est futur ; l’énoncé prononcé crée une nouvelle situation au rapport matrimonial qui existait entre les deux époux. Le T0, est une origine à une nouvelle situation entre les deux époux. C’est ce qui caractérise toute autorité, on dit souvent que quand l’autorité est présente, elle instaure un nouvel ordre dans le cours des évènements parce qu’elle marque une coupure/rupture avec un ancien ordre ou un désordre, pour ouvrir un nouvel ordre. Au commencement était le verbe : « sois, il est » ; Dieu met fin au Chaos et instaure un ordre dans le Cosmos. Le maintenant auquel est référée la deixis temporelle de l’énoncé masculin désigne un surgissement brusque d’une temporalité irréversible, qui casse jusqu’à ce temps-ci le déroulement du temps du mariage.

Le temps grammatical dans l’énoncé de la demande du divorce de la femme est complètement différent de ce qui se passe dans l’image du temps de celui de l’époux. L’énoncé de la demande comporte deux verbes ; un verbe introducteur conjugué au présent de l’indicatif à valeur énonciative, déictique ; il s’agit d’un verbe qui appartient à la famille des verbes de demande ( demander, solliciter, désirer, souhaiter …).Ce verbe introduit à autre verbe qui est conjugué ou pas conjugué , il l’introduit dans un mode subjonctif, ou dans un présent à valeur hypothétique ( après le verbe demander la proposition est introduite par la conjonction « si » ) ou un mode quasi nominal . Donc la proposition qui porte l’objet divorce n’indique pas un évènement achevé. Dans ces cas la représentation de l’image du temps donne seulement à saisir un monde possible, à la parole de la femme. En quelque sorte elle ne fonde pas le divorce comme évènement, ou comme fait en soi-même, elle donne une représentation d’un divorce –possible.

Les verbes introduits dans le mode subjonctif ne réalisent pas effectivement l’évènement « divorce ». La forme subjonctive n’est pas marquée par la désinence du temps ; elle ne grammaticalise pas le temps ; elle donne seulement une image d’un temps futur plus au moins lointain, aux repères flous. Le subjonctif est un mode en rapport avec le registre de la possibilité, du doute. Pour l’acte de la demande, l’interlocuteur peut refuser la chose demandée ou de se conformer à elle.

Le verbe de la proposition subordonnée peut aussi être introduit dans un présent, mais on ne pense pas que ce présent acquiert les mêmes caractéristiques que le présent de l’énonciation de l’énoncé de la répudiation ; il est un présent à valeur non achevée, non complète. Ce présent ne pose pas le fait « divorce », il est un présent à valeur hypothétique, un instant qui n’est pas encore atteint. Pour les verbes introduits au mode quasi-nominal (l’infinitif), ils sont complètement dénués de la dimension du temps.

En somme, La subordonnée de l’énoncé de la demande n’a aucune valeur de vérité. Par son sémantisme l’acte de parole féminin est lié au registre de vouloir, de désir, de sollicitation est par là un acte en rapport avec le futur. Quant à l’acte de parole masculin, est relié au monde actuel, son sémantisme est celui de l’exercice de pouvoir, de la décision, de la vérité, de la conformité à l’actuel, il est lui-même autorité. L’homme est une personne (dans le sens juridique) à acte de parole décisoire, péremptoire et irréfragable, la femme est une im-personna à acte de parole non décisoire, non péremptoire. L’acte de parole de l’homme dit telle chose et elle en est ainsi, alors que celui de la femme, dit telle chose, et qu’elle en soit ainsi16. Ce qu’induit l’acte de parole de l’homme advient sûrement alors que celui induit par l’acte de parole de la femme adviendra peut-être. Le premier est affirmé dans la puissance de son actualité, l'autre dans la puissance de la possibilité qu'informe sa virtualité.

1.2.3. Sexuation de la deixis

L’homme construit le divorce dans son lieu, dans le même temps où il énonce par sa propre personne. L’autorité accordée à l’homme est grammaticalisée dans ses mêmes signes linguistiques. Cependant la parole de la femme ne peut pas construire la référence divorce, la parole de l’homme par l’autorité que lui délègue la loi construit la référence, l’évènement divorce dans une deixis pleine et saturée où chaque élément de cette deixis est auto-saturé, suffisant à lui-même pour que le divorce ait lieu. Grâce à cette deixis l’énoncé de l’époux est égocentrique. Il charge la parole du mâle avec un pouvoir en lui assurant de dire, de se dire et de « dé-cider ». L’Ego de l’homme joint à ses repères de l’espace et du temps prend le pouvoir sur le « tu » et le monde. La deixis servant de base à l’énonciation de la demande se trouve décalée, ou déplacée en espace et en temps, et même en personne dans celle de la réplique-décision. Le je-maintenant-ici de la demande, se trouve dans la réplique dans un alter-ego-post-temporam et un ailleurs. La parole dans la scène de demande du divorce connaît deux temps, et deux lieus de l’énonciation, et deux personnes ou plus. D’un côté, il y a demande avec l’ « égo » de la femme dans un temps et un le lieu , et de l’autre côté il y a , la décision du divorce avec un « alter-égo », un autre temps et dans un autre lieu .

L’acte de la demande est réalisé dans une deixis saturée, alors que l’acte décision est différé dans une autre dimension spatio-temporelle, et déféré à une autre instance énonciatrice un autre égo. Le divorce est décalé en espace, en temps et conféré à une autre personne. Par rapport à la scène de la demande, les repères déictiques de la scène de la décision du divorce sont décalés en temps, en espace et en personnes

Ni les rôles des personnes, ni le temps de l’énonciation, ni le lieu de l’énonciation ne sont communs à la demande et la décision. Les rôles des personnes sont déférés dans la scène du la demande du divorce ainsi que les repères spatio-temporels sont différés

La deixis qui construit l’acte de divorce, pensée en rapport avec l’exercice de la parole par les deux sexes est structurée sur trois oppositions déictiques celle de la personne, celle du temps et celle de l’espace. L’égo qui décide dans la parole du mâle s’oppose à un égo déplacé ou plutôt alter-égo, dans la parole de la femme, le lieu où la parole exerce son pouvoir chez le sexe masculin est un hic s’opposant à un ailleurs Ille  pour la parole de la femme, la nunc où la parole de l’homme prend effet s’oppose à un « post-temporam » dans la parole de la femme. Le « je » qui décide dans la parole de l’homme se trouve déplacé dans la parole de la femme en dehors de la personne de la femme. C’est un alter-ego qui décide. La parole de l’homme réalise son effet, dans son espace-temps où elle est proférée, or la parole de la femme si elle a possibilité d’avoir un effet, elle le fait en dehors de lieu et du temps de sa première introduction.

Contrairement à l’homme qui est toujours dans l’autorité de son dire, la femme comme actant dans l’acte du divorce se trouve dans le droit de dire, mais elle n’est pas dans l’autorité de son dire.

2. Vers une définition pragmatico-enonciative de la notion d’autorité

Il apparaît au terme de ce travail que la performativité de l’acte de l’époux est efficace est contraste symétriquement avec l’acte de l’épouse marquée, lui par une efficacité relative. Le tableau suivant résume cette asymétrie.

En prenant en considération ce que représente ce tableau, et tout ce qui a été posé dans l’analyse des énoncés, l’efficacité de la performativité touche directement à l’accomplissement indubitable de la situation de démariage, le contenu propositionnel qui porte l’état de choses contenu dans l’acte performatif. Comme pour l’homme ou la femme, les deux sujets, à l’égard de la loi, accomplissent des actes de parole performatifs. L’un déclare, l’autre demande tel qu’il est stipulé et conventionné dans le droit de la famille, l’homme, par son acte performatif amène au jour la réalité qu’il nomme17, alors que la femme, malgré la performativité discursive de sa demande ne peut amener le monde qu’elle nomme et qui occupe la sphère du dicible. Sa réalisation est différée dans un monde possible, il y a l’autorité du juge, puis celle de son mari qui peuvent faire advenir le monde demandé.

En revanche, l’énoncé de l’époux à l’encontre de son épouse est authentifié par l’institution (formule de divorce). Si l’époux a l’intention de répudier, et il est sain d’esprit, la seule énonciation de la formule du divorce anéantit le statut de l’épouse ; elle passe directement en statut de divorcée. Dans la déclaration de l’époux, la transformation de l’état des choses donné par l’énonciation est censée être immédiate au sens temporel, mais aussi au sens où l’énonciation est elle-même la réalité de l’état des choses représentées. La performativité de la répudiation pour l’époux est directe du fait de la congruence de la force performative et du contenu du déclaratif. La demande est toujours introduite auprès de quelqu’un, sa saisie et sa satisfaction échoient à ce quelqu’un qui ne se résout pas forcément au critère observable de son intention pour qu’on puisse dire, qu’il pourrait la satisfaire. Son intention n’est nullement accessible.

Dans le cas de la demande de divorce, la réalisation de l’état de choses (le divorce) auquel il est fait référence est représentée comme à la charge de l’interlocuteur, l’époux ou le juge. Les conditions de succès de la demande dépendent de la pondération de la parole du juge qui pèsera toutes les conditions, y compris l’intention de l’époux. La réalisation du désir de divorce de la femme est prise entre plusieurs conditions, celles qui dépendent de la femme de la sincérité, de l’intention, celles qui sont indépendantes de l’intention ou de la sincérité de la femme. Le divorce pour l’épouse ou la transformation de son statut par le fait de sa propre énonciation ne relève pas de l’autorité de sa propre personne, elle dépendra de l’instance juridique. La performativité de la demande est indirecte. L’acte de la demande du divorce nécessite une prise de décision, par une autre instance. Les conditions de succès dans l’énoncé de la femme sont liées à l’interlocuteur. Les conditions de satisfaction d’obtenir le divorce, et le critère de l’autovérification sont neutres (±). La femme ne peut pas décider de son sort, elle ne peut pas réunir toutes les conditions de félicité garantissant la réussite de son acte, elle manque d’autorité en la comparant à l’autorité de celui à qui elle demande la cessation de la relation matrimoniale. Afin qu’il y ait divorce par la demande de la femme, il faut une conversion de l’acte directif de la demande à un acte exercitif (acte déclaratif) par le truchement du jugement du juge à la suite de la justification de la femme. La performativité de l’acte de demande du divorce est conditionnée par sa conversion favorable médiatisée par le pouvoir autorisé du jugement du juge. Seul l’homme est capable de réunir les conditions de félicité de son acte, parce qu’il est soutenu par l’institution juridique. L’autorité qu’on lui délègue est inscrite au cœur même de son acte de parole. La survenue effective de contenu propositionnel, les conditions de succès de l’acte de parole de l’époux, l’autovérification et sa sanction sociale garantissent l’autorité de l’acte de parole masculin : seul le dire « autorisé » est véritablement performatif (Kerbrat-Orecchioni. 2005 : 9) ; seule la performativité efficace est autorité ; l’autorité dans l’acte du divorce relève de la sphère du masculin. Elle est manifeste au plan syntaxique dans le jumelage de la force illocutionnaire et de contenu propositionnel. Sur le plan pragmatique, elle transparaît dans l’opération immédiate de la parole en ajustant le monde aux mots, et les mots au monde, et assurant par là une performativité efficace. Le décalage des deux constituants immédiats (l’enchâssement d’une proposition subordonnée à une proposition principale), l’absence des deux derniers marqueurs de la demande du divorce, le temps opératoire nécessaire au changement de la réalité, situé au futur déchoient l’autorité de la parole de la femme. L’autorité n’est donc qu’une performativité réussie et une deixis saturée.

Conclusion

Notre analyse ne prétend pas affirmer que l’autorité de la parole de l’homme dérive directement des marques pragmatiques, sémantiques, syntaxiques ou grammaticales qui caractérisent son énonciation. Il ne s’agit pas d’affirmer la thèse d’Austin au détriment de celle de Bourdieu pour conclure que le pouvoir des mots se situe dans les mots, dans leur force illocutoire au lieu de le voir dans les conditions sociales d’usage du discours. Notre analyse a exploité plutôt la thèse d’Austin (1962) pour rejoindre la thèse de Bourdieu (1975) ainsi les conventions sociales et juridiques qui fixent les modalités du divorce marque par le sceau de l’autorité l’acte de parole masculin en déléguant l’efficacité à sa parole. L’acte de parole de l’homme fait ressortir son autorité par ses marqueurs pragmatique et linguistique contrairement aux marqueurs pragmatiques et linguistiques de l’acte de parole féminin qui ne le font pas. Relativement à cette scène du divorce en Algérie, ces marqueurs sont les traces indélébiles du poids des conventions sociales et juridiques qui régissent l’exercice de la parole dans le cadre des lois. Dans une telle situation (scène) il n’est pas donc évident que le mâle dit : « Je demande le divorce », comme il n’est pas aussi évident à la femme de dire « je te répudie » s’il cela arrive, on dira que l’un ou l’autre transgressera la maxime de la pertinence de Grice.

1 Ce texte complète un article, des mêmes auteurs, "Le Divorce et l’autorité masculine en Algérie", paru en 2016. Mahraoui, A., Zenati J. (2016). « Le

2 L’autorité dévolue au sexe masculin et refusée au sexe féminin transparaît et « se manifeste » à travers les marques linguistiques et pragmatiques

3 C'est nous qui soulignons.

4 L’inférence dont on parle est différente de l’inférence logique basée sur un syllogisme qui consiste à dégager une conclusion à partir de prémisses

5 L'efficacité propre des actes illocutoires est normative dès lors où ils visent à accomplir un acte bien spécifique et entraînent des effets

6 Dans cette communication nous nous passerons en revue que l'analyse pragmatique. Mais dans un article à paraître, prenant en charge l'analyse du

7 « Les actes de langage institués ont lieu dans les échanges linguistiques réglés institutionnellement par une institution. Ils forment une part

8 Plusieurs formules reconnues par l'institution juridique peuvent être occurrentes dans des situations du divorce. Cependant elle les considère comme

9 (Ou la force illocutionnaire est elle-même contenu propositionnel : répudiation égale à répudiation de l’auditeur. A l’acte de l’homme est associée

10 C’est-à-dire au niveau de faire, étant que dire c’est faire, c’est agir.

11 Aux yeux de Searle, la classification donnée par Austin souffre dans grande faiblesse, inhérente au manque de critères pertinents devant présider à

12 Nous disons à autrui comment sont les choses (assertifs), nous essayons de faire faire des choses à autrui (directifs), nous nous engageons à faire

13 « L'action de la parole consiste ainsi à opérer une transformation du monde en ce sens précis qu'à la suite de l'action, une nouvelle normativité s

14 « L'action de la parole consiste ainsi à opérer une transformation du monde en ce sens précis qu'à la suite de l'action, une nouvelle normativité s

15 (Perret, M, 1994 : 9) : « Temps, lieu actants sont les éléments principaux de ce qu’on appelle la situation d’énonciation ».

16 (Toussaint 1983 :105) « Les éléments du mode subjonctif étant moins imprécis que ceux du mode quasi nominal et moins particularisés que ceux de l'

17 « L'action de la parole consiste ainsi à opérer une transformation du monde en ce sens précis qu'à la suite de l'action, une nouvelle normativité s

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1 Ce texte complète un article, des mêmes auteurs, "Le Divorce et l’autorité masculine en Algérie", paru en 2016. Mahraoui, A., Zenati J. (2016). « Le Divorce et l’autorité masculine en Algérie » in Chouiten, L et all. Commanding Words : Essays on the Discursive Constructions, Manifestations, and Subversions of Authority, UK, Cambridge Scholars/

2 L’autorité dévolue au sexe masculin et refusée au sexe féminin transparaît et « se manifeste » à travers les marques linguistiques et pragmatiques qui se réalisent dans chacun des actes de langage de chaque sexe.

3 C'est nous qui soulignons.

4 L’inférence dont on parle est différente de l’inférence logique basée sur un syllogisme qui consiste à dégager une conclusion à partir de prémisses valables. Même en jurisprudence, qui s’appuie sur des sources qui servent comme des prémisses logiques, l’inférence conserve son statut logique. L’inférence pragmatique que nous supposons, n’embrasse pas tous les cas de divorce et ne considère pas toutes les causes qui peuvent être à l’origine de l’acte de la répudiation. Nous essayons seulement de schématiser ou scénariser la scène discursive ou l’acte langagier serait proféré. L’acte juridique théâtralise une scène et dicte aux sujets de la loi une sorte de rituel à adopter pour gérer leurs situations conflictuelles.

5 L'efficacité propre des actes illocutoires est normative dès lors où ils visent à accomplir un acte bien spécifique et entraînent des effets spécifiques, des devoirs et des obligations, qui résultent du fait qu'un acte de parole est réalisé par un agent qui s'engage à travers cet acte. L'action de la parole consiste ainsi au moins à opérer une transformation du monde qui, à la suite de l'action enregistre en son sein une nouvelle normativité.

6 Dans cette communication nous nous passerons en revue que l'analyse pragmatique. Mais dans un article à paraître, prenant en charge l'analyse du matériau énonciatif, nous montrons en quoi l'autorité comme une deixis saturée.

7 « Les actes de langage institués ont lieu dans les échanges linguistiques réglés institutionnellement par une institution. Ils forment une part essentielle des procédures d’institution : leur interprétation est préconstruite et pré-attribuée et un pouvoir symbolique leur est conventionnellement dévolu. » (Fornel. 1983 : 35).

8 Plusieurs formules reconnues par l'institution juridique peuvent être occurrentes dans des situations du divorce. Cependant elle les considère comme des actes implicites, primaires pour signifier le même contenu, la même intention qui se trouve véhiculée par la formule canonique « je te répudie ».

9 (Ou la force illocutionnaire est elle-même contenu propositionnel : répudiation égale à répudiation de l’auditeur. A l’acte de l’homme est associée une force illocutionnaire "exercitive", au contenu propositionnel (associé à la signification descriptive de l’acte), il s’exprime et le statut de la femme change.

10 C’est-à-dire au niveau de faire, étant que dire c’est faire, c’est agir.

11 Aux yeux de Searle, la classification donnée par Austin souffre dans grande faiblesse, inhérente au manque de critères pertinents devant présider à la classification des actes. J. R. Searle : 1976). Il mentionne douze critères en tout, qui peuvent nous permettre de distinguer les uns des autres les actes illocutionnaires. Or, il considère les trois critères nommés ci-dessus comme les plus fondamentaux ; qu'ils sont plus importants que les autres. En usant de ces trois critères Searle introduit une classification en cinq grandes classes des actes illocutionnaires (1. Assertifs, 2. Directifs, 3. Promessifs, 4. Expressifs et 5. Déclaratifs)

12 Nous disons à autrui comment sont les choses (assertifs), nous essayons de faire faire des choses à autrui (directifs), nous nous engageons à faire des choses (promissifs), nous exprimons nos sentiments et nos attitudes (expressifs) et nous provoquons des changements dans le monde par nos énonciations (déclarations).

13 « L'action de la parole consiste ainsi à opérer une transformation du monde en ce sens précis qu'à la suite de l'action, une nouvelle normativité s'inscrit dans le monde. » (Ambroise, la parole comme acte, 2007 : 12)

14 « L'action de la parole consiste ainsi à opérer une transformation du monde en ce sens précis qu'à la suite de l'action, une nouvelle normativité s'inscrit dans le monde. » (Ambroise, la parole comme acte, 2007 : 12)

15 (Perret, M, 1994 : 9) : « Temps, lieu actants sont les éléments principaux de ce qu’on appelle la situation d’énonciation ».

16 (Toussaint 1983 :105) « Les éléments du mode subjonctif étant moins imprécis que ceux du mode quasi nominal et moins particularisés que ceux de l'indicatif représentent donc un état de construction intermédiaire ». (Lyons. 1980 : 433) « … le subjonctif était le mode de la non-factivité et de la possibilité moins éloignée et l’indicatif le mode de la factivité et de l’assertion directes.

17 « L'action de la parole consiste ainsi à opérer une transformation du monde en ce sens précis qu'à la suite de l'action, une nouvelle normativité s'inscrit dans le monde. » (AMBROISE.2007 : 12)

Schémas 01 : Deixis dans la scène de répudiation

Schémas 02 : Deixis de la scène de la demande du divorce

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